« Mr Le Pres­i­dent De La Republique : Inéli­gi­bil­ité des politi­ciens con­damnés » : 932 sig­na­tures. « Pour l’amélioration des trans­ports en com­mun à Nan­cy » : 1084 sig­na­tures.  « Une médaille pour Diesel, le chien polici­er tué en attaquant les ter­ror­istes » : 70 974 sig­na­tures. Autant de sujets qui réu­nis­sent des mil­liers d’internautes. En France, chaque jour, le site Change.org récolte en moyenne une trentaine de nou­velles péti­tions. Mille par mois. Au milieu de cette défer­lante, cer­taines tombent dans l’oubli.

 

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@Change.org

A l’origine de ces cam­pagnes, des citoyens réu­nis par une même volon­té : celle d’agir sur l’action poli­tique. Grâce à des plate­formes comme Change.org, les résul­tats sont par­fois réels. « Les gens se mobilisent de plus en plus, ils ont davan­tage envie de se faire enten­dre, explique Sarah Durieux, direc­trice adjointe de la branche Change.org en France. Il y a une défi­ance envers les struc­tures tra­di­tion­nelles, du type syn­di­cats et par­tis poli­tiques ».  Sur ces plate­formes, « pas de place pour l’idéologie : les indi­vidus se man­i­fes­tent pour des caus­es spé­ci­fiques et con­crètes, au-delà des cli­vages par­ti­sans ». Une affir­ma­tion qui reste tout de même à nuancer. Sur le site, les péti­tions sur des pro­jets de loi ou des démis­sions de min­istres tien­nent le haut du pavé.

Ce n’est pas le nom­bre de sig­na­tures qui fait le suc­cès Sarah Durieux, direc­trice adjointe de la branche Change.org

Com­ment mesure-t-on la réus­site d’une péti­tion ou, à l’inverse, son échec ? Prin­ci­pale­ment par l’impact qu’elle a sur l’action publique. Récem­ment, deux péti­tions ont mar­qué l’actualité. En décem­bre, Karine Plas­sard, mil­i­tante d’Osez le fémin­isme, s’adresse à François Hol­lande pour deman­der la grâce prési­den­tielle de Jacque­line Sauvage, cette femme con­damnée à la prison pour avoir tué son mari vio­lent. En quelques semaines, la péti­tion enreg­istre près de 400 000 sig­na­tures. Le 31 jan­vi­er, François Hol­lande accorde une grâce prési­den­tielle par­tielle à Mme Sauvage.

1000
le nom­bre de péti­tions en ligne pub­liées chaque mois sur le site Change.org

Mi-févri­er, la min­istre du Tra­vail, Myr­i­am El-Khom­ri, présente l’avant pro­jet de loi sur le tra­vail. La fémin­iste Car­o­line de Haas proteste en ligne. Inti­t­ulée “Loi tra­vail, non, mer­ci!”, la péti­tion con­naît un vif suc­cès et devient l’une des rares en ligne à dépass­er le mil­lion de sig­na­tures. Puis le virtuel passe à la réal­ité : lors de la man­i­fes­ta­tion du mer­cre­di 9 mars, ils étaient 224 000 à se réu­nir dans l’ensemble de la France, selon la pré­fec­ture de police et le min­istère de l’Intérieur.

« Cela dit, ce n’est pas le nom­bre de sig­na­tures qui fait le suc­cès d’une requête, tem­père Sarah Durieux. Chaque jour, cinq ou six péti­tions avec seule­ment 100 ou 200 sig­na­tures arrivent à des change­ments comme celles des par­ents d’élèves qui lut­tent con­tre la fer­me­ture d’une école en cam­pagne. » Ce qui compte, c’est l’échelle géo­graphique. En févri­er 2013, un col­lec­tif lance la péti­tion “Non à la sub­ven­tion de 400 000 euros pour le con­cert de David #Guet­ta à #Mar­seille”. Elle est signée par 70 000 per­son­nes, dont 40 000 Mar­seil­lais. Face à l’ampleur de la polémique, David Guet­ta annule son con­cert. La pres­sion citoyenne par la péti­tion, nou­v­el out­il politique. 

Des héros ordi­naires ont réus­si à se faire enten­dre Sarah Durieux, direc­trice adjointe de la branche Change.org

D’autres élé­ments entrent en compte dans le suc­cès de ces opéra­tions. « Le thème de la péti­tion, s’il con­cerne beau­coup de gens ; la for­mu­la­tion, car il faut que le texte soit facile à appréhen­der, comme une his­toire à lire, rap­pelle Sarah Durieux. Il faut pou­voir com­pren­dre les raisons, que ce soit visuel comme un con­tenu web. Enfin, il faut que la viral­ité de la péti­tion soit organ­isée sur les réseaux soci­aux pour plus de vis­i­bil­ité. » Par exem­ple, les requêtes de défense des ani­maux fédèrent tou­jours beau­coup de sig­na­tures, la com­mu­nauté con­cernée étant très organ­isée et très offen­sive sur les réseaux.

Etre célèbre ou appartenir à un col­lec­tif, syn­di­cat ou par­ti poli­tique, n’est pas for­cé­ment gage du suc­cès de la péti­tion. « C’est sûr, la renom­mée et le réseau de Car­o­line de Haas ont été pour beau­coup dans le suc­cès de sa péti­tion con­tre la loi sur le tra­vail, recon­naît Sarah Durieux. Mais on a aus­si des héros ordi­naires, qui réus­sis­sent à se faire enten­dre et à se créer une légitim­ité. Prenez Mélanie Doer­flinger, qui a lancé la péti­tion sur la com­po­si­tion des tam­pons. Il y a eu plus de 200 000 sig­na­tures alors qu’elle n’est pas for­cé­ment con­nec­tée, qu’elle n’appartient à aucune asso­ci­a­tion ou par­ti. » 

Cette étu­di­ante en his­toire de 20 ans ne s’est pas con­tentée que les sig­na­tures s’accumulent. Elle a envoyé une dizaine de cour­ri­ers en recom­mandé à dif­férentes insti­tu­tions poli­tiques. Une per­sévérance qui paie. Elle révèle fin févri­er au Huff­in­g­ton Post qu’elle sera reçue le 10 mars au min­istère de la San­té. Son ambi­tion ? Qu’une lég­is­la­tion au niveau européen soit adop­tée pour garan­tir la trans­parence de la com­po­si­tion des tampons. 

Toute reven­di­ca­tion a le poten­tiel pour attein­dre son but. Sur Change.org, une péti­tion en ligne trou­ve un large écho toutes les heures dans le monde. Depuis que vous avez com­mencé la lec­ture de cet arti­cle, une péti­tion sur le point de chang­er la face du monde a peut-être été mise en ligne.